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Conditions de vie, Éducation, Santé

Karma, 23 ans de développements vertueux

Avant la terrible journée du 20 avril 2023, Karma, petit village de 2 000 âmes au cœur du Burkina Faso, a bénéficié du soutien de L’Appel.

Contexte : Ce village de brousse, difficilement accessible donc très isolé, évolue dans un climat semi-désertique, sans eau courante ni électricité. Les habitants sont Mossis, ethnie majoritaire du Burkina Faso, et musulmans.

Avant le massacre qui a conduit la population à fuir le village, Jean et Annie Loireau, responsables de projets de L’Appel au Burkina Faso, avaient réussi à co-construire une action globale et pérenne. Retour sur plus de 20 ans d’histoire. 

Des rencontres qui poussent à agir

Dans les années 1980, Jean et Annie Loireau ont parcouru presque l’intégralité du Burkina Faso. Après toutes ces années de voyage, de rencontres ils avaient acquis une connaissance des problématiques et enjeux locaux, et souhaitaient s’engager au service des populations.

Pendant plusieurs années, avec les acteurs du village de Voaga, ils participent financièrement à l’équipement du dispensaire et de la maternité, de fournitures scolaires, de formations agricoles etc. Cette première expérience, non sans difficultés, leur permet d’acquérir une connaissance profonde du terrain et des enjeux du Burkina Faso. C’est ainsi qu’ils prennent notamment conscience du rôle du chef du village, de la répartition des cités en divers quartiers qui ne sont pas tous traités à égalité, et de l’exclusion des femmes des processus de décision.

Au début des années 2000, avec L’Appel, Jean et Annie poursuivent leur engagement.  Fort de plus de 10 ans d’actions, ils décident de soutenir le village de Karma, alors complètement isolé et portant de nombreux besoins. 

Karma, l'initiatives de femmes engagées

En 2000, lors d’un déplacement à Karma, Jean et Annie rencontrent un groupe de femmes extrêmement démunies mais très dynamiques. Elles avaient contracté un emprunt pour construire un moulin à grains. Devant une initiative si rare, ils décident d’aider ces femmes à compléter leur emprunt.

Dans ce village isolé, où les besoins sont immenses, plusieurs acteurs locaux laissent entrevoir un véritable potentiel de développement durable :

  • – Le chef du village, très accueillant, est d’une grande sagesse.
  • – Bien qu’il y ait, comme partout au Burkina Faso, des différences de traitement en fonction des quartiers du village, le chef et son comité de gestion sont ouverts à une action donc tout le monde pourrait bénéficier.
  • – De plus, ici les femmes ont une place dans la vie publique et dans les prises de décision.
  • – Enfin, la rencontre, en 2005, avec Adama, un instituteur originaire de Karma, marque un tournant dans les actions menées. La communication est désormais très bien établie, car il parle français et dispose d’un accès hebdomadaire à un cyber-centre.
  • Sans parler de Boureima, revenu dans son village natal animé de nombreuses idées pour aider à son développement.

A Karma, la force de plus de 20 ans d’actions est de coopérer avec acteurs locaux fiables et une une population réceptive.

D'abord, lutter efficacement contre la famine

A Karma, pendant la saison sèche, les céréales ne poussent pas. Pendant la saison des pluies, les cultures peuvent être très aléatoires. Plus d’une année sur deux, ils ne parviennent pas à assurer la soudure. Cela signifie que les récoltes produites pendant la saison humide ne parviennent pas à nourrir toute la population pendant la saison sèche (d’octobre à juin).

Pour pallier à cette problématique, en partenariat avec l’Association des Femmes Burkinabés de Ouahigouya (AFBO), des sessions de formation agricole ont été organisées. L’objectif était d’apprendre à la population à cultiver des légumes pour qu’ils puissent assurer la soudure lorsque les céréales viennent à manquer.

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Une fois lancé, le jardin de Karma ne cessera pas de s’agrandir, malgré les aléas des cultures (maladies, clôtures arrachées par les bêtes…). Au début, les cultures étaient essentiellement des choux et des oignons, pour se diversifier peu à peu : tomates, salades, papaye, poireau…

Evidemment, ces légumes, bien que moins voraces que les cultures de céréales, ont eux aussi besoin d’eau. Le projet de jardin à Karma n’aurait donc pas pu être réalisé sans les actions de L’Appel pour faire venir l’eau au village.

Puis, se mobiliser pour l'accès à l'eau, indispensable

De 2001 à 2003, lorsque le premier projet de jardin potager est lancé, deux puits sont construits pour pourvoir au besoin du jardin.

Un troisième puits sera construit plus tard, avant le lancement du grand programme hydraulique de 2013 à 2015.

Une partie de ce programme concernait encore le jardin :

  • – un quatrième puits,
  • – l’installation de bassins d’arrosage reliés aux puits
  • – et des motopompes installées en profondeur près des puits.
  • Le programme hydraulique a également permis de creuser un forage pour l’école, qui n’avait jamais eu d’eau auparavant, qu’elle soit potable ou non. Plus profond qu’un puits, il a fallu creuser jusqu’à 105 mètres pour trouver une nappe suffisante. Les enfants de l’école n’ont plus eu soif, et l’hygiène s’en est trouvée grandement améliorée.
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Le développement économique

Le développement et la solidarité internationale ont pour objectif l’autonomisation progressive de la population bénéficiaire. Des projets ont donc été lancés en ce sens, pour aider la population à développer des activités économiques florissantes.

Dès les débuts, en parallèle de la formation agricole, l’AFBO a œuvré pour former les femmes à la fabrication de savon à l’huile de karité.

En 2010, grâce à la rencontre de Désiré Yameogo, un projet d’apiculture a pu être lancé. Il avait créé, en partant de rien, une coopérative apicole et un centre de formation :

  • – 20 personnes se sont portées volontaires pour suivre la formation de 15 jours à Koudougou.
  • – L’Appel a également participé à l’installation d’une douzaine de ruches et du matériel.

Le projet était ainsi lancé, avec l’espoir que la production puisse un jour être suffisante pour l’exportation en dehors du village.

L'école, meilleur atout pour assurer l'avenir

En plus du forage qui a permis à l’école de disposer d’un accès à l’eau, d’autres missions ont été réalisées en faveur de l’éducation des enfants.

En 2011, l’école de Karma comptait un peu plus du tiers des enfants du village, mais dans des locaux vétustes, avec trop peu d’enseignants (3 pour 200 élèves). Le niveau des élèves est en augmentation : les reçus au certificat d’études ont atteint 97%. Cette année-là, L’Appel a financé 18 bourses scolaires pour que des enfants de CM2 puissent partir au collège, à hauteur de 75%, 25% restant à la charge des parents.

En 2018, L’Appel a lancé le projet de rénovation de l’école :

  • – construction d’un bâtiment à deux classes,
  • – financement de mobilier scolaire,
  • – et mise en place d’un voyage scolaire.

L’Appel a également investi pour la formation des enseignants : en 2019, il avait 6 enseignants, qui pouvaient bénéficier d’une formation continue. Par exemple, la dernière en date était une formation aux enjeux du développement durable.

Chaque année, de nombreuses aides étaient apportées pour le fonctionnement habituel de l’école :  financement de la cantine scolaire, des bourses scolaires et des fournitures.

Ce panorama des actions de L’Appel à Karma n’est bien sûr pas exhaustif : le travail réalisé avec nos partenaires a été de grande ampleur et a touché tous les aspects du développement. De nombreuses autres actions ont été menées : aide juridique et administrative pour que tout le monde puisse avoir accès à des documents d’identité, lutte contre le paludisme grâce à la sensibilisation et distribution de moustiquaires, plantation de Moringas, arbres comestibles et avec des vertus médicinales… Le développement qu’a connu Karma fut remarquable. C’est d’autant plus triste de voir aujourd’hui les survivants réfugiés, dans l’impossibilité de revenir chez eux où ils se sont tant engagés.