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Santé

Le sida des enfants au Congo

Quand la pédiatrie se confronte au VIH

Dans les années 1980, alors que le monde découvre le VIH, l’Afrique centrale voit l’épidémie se propager rapidement. À Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville, la pédiatre Joëlle Nicolas est témoin des premiers cas de Sida chez les femmes et surtout chez les enfants, contaminés dès la naissance ou par transfusion. Les hôpitaux sont vite débordés, impuissants face à des nourrissons amaigris, atteints d’infections incurables, dans un contexte de grande ignorance et de stigmatisation.
Face à cette crise, les médecins congolais tentent d’informer la population sur les modes de transmission et la prévention, malgré les croyances qui assimilent la maladie à une malédiction. En 1986, Joëlle Nicolas s’allie à Violaine Duflo, pédiatre et bénévole à L’Appel, pour améliorer la prise en charge des enfants. Des programmes sont mis en place pour développer l’accueil et les soins pédiatriques. Mais les moyens manquent, les tests de dépistage sont bloqués en douane et les transfusions sanguines continuent sans contrôle, aggravant la propagation du virus.

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Des actions coordonnées pour freiner
le Sida des enfants

En 1988, lors d’un congrès à Brazzaville, Joëlle Nicolas lance un appel public pour dénoncer cette situation dramatique et réclamer des outils de dépistage. Son intervention déclenche enfin la livraison du matériel nécessaire, marquant un tournant dans la lutte contre le Sida infantile. À partir de 1987, l’association L’Appel, guidée par les médecins Joëlle Nicolas et Dominique Petit, s’engage à Pointe-Noire pour soutenir les enfants touchés par le Sida. Aux côtés de Delphine Kaya, directrice de l’Action sociale, et du Dr Nakahonda, l’association rénove la pouponnière de Loandjili, fournit nourriture, médicaments et soins et met en place des parrainages pour les enfants orphelins ou malades. Malgré la guerre civile qui éclate en 1993, les bénévoles poursuivent leur mission, entre hôpitaux délabrés, pauvreté extrême et manque criant de moyens médicaux.
Dans les années 1990, L’Appel et ses partenaires locaux lancent aussi des actions de prévention et d’éducation. Sous l’impulsion de Régine Goma, surnommée « Maman Sida », des campagnes d’information atteignent plus de 80 000 adolescents dans le département du Kouilou, y compris les jeunes non scolarisés et les femmes prostituées. Grâce à l’appui de la Coopération française et de l’Union européenne, le programme s’étend, combinant messages radiophoniques, spectacles et activités sportives pour briser les tabous autour du VIH.

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Soigner et prévenir dans un pays en crise

Mais la guerre civile des années 1997-1999 replonge le pays dans le chaos : routes coupées, hôpitaux débordés, enfants réfugiés malnutris. Malgré tout, la solidarité locale demeure exemplaire. L’Appel poursuit ses actions à Pointe-Noire, soutient la réouverture des écoles, réhabilite des classes et soutient des milliers d’élèves dans un contexte de survie. Ces initiatives, menées au cœur de la crise, incarnent la résilience et l’humanité d’un réseau de soignants et de bénévoles déterminés à sauver les enfants du Sida et de la guerre.
À la fin des années 1990, le Congo-Brazzaville sort meurtri de la guerre civile. À l’hôpital Adolphe Sicé de Pointe-Noire, les médecins font face à un afflux de réfugiés et d’enfants dans un état de santé désastreux, menacés par le choléra et la malnutrition. L’Appel poursuit son travail aux côtés du personnel local, menant des actions de désinfection, de soins et de suivi pédiatrique. Grâce à l’appui de l’Union européenne, la prévention du Sida s’étend à tout le département du Kouilou : des jeunes formés deviennent relais communautaires, informent leurs pairs etc..
Au début des années 2000, l’association met en place un programme d’accompagnement à domicile pour les enfants séropositifs, souvent issus de familles démunies. Si la loi congolaise prévoit la gratuité des soins, la réalité reste bien différente : seuls les plus aisés y ont accès. L’Appel, avec l’ambassade de France, finance alors un dispositif combinant soins médicaux, visites sociales et aide alimentaire, afin d’améliorer la survie et la dignité des familles touchées par le VIH.

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Revenus et dignité : accompagner les femmes
face au VIH

En 2002, un nouveau projet voit le jour : des activités génératrices de revenus sont proposées aux mères et grand-mères vivant avec le VIH, comme la transformation et la vente de poisson séché sur les marchés de Pointe-Noire. Malgré les difficultés liées à la pauvreté, au manque de formation et à la gestion des microcrédits, certaines familles parviennent à tirer des revenus stables et à retrouver une forme d’autonomie. Sous la coordination de Delphine Kaya, ces initiatives ont redonné espoir à des femmes longtemps exclues, prouvant que la lutte contre le Sida ne peut se limiter aux soins mais doit aussi passer par le soutien économique et humain.